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10 mai 2009

Bienvenue en Terre d'Israël


Une amie m'a proposé, avec quelques amis, d'être interviewé pour FR3 à propos de la visite du pape qui arrivera demain à Jérusalem.


La journaliste nous a demandé comment les israéliens voient ce pape. Je ne sais pas ce qui en sera diffusé (ce soir à 19h et demain à 13h). La télévision étant un écran superficiel - comme son nom l'indique - éloigné d'une vision réelle, je vais m'expliquer sur internet - comme son nom l'indique - de façon plus intime, entre-nous.


PapProposExplosifsJ'attend de cette visite qu'elle soit pour le Catholicisme une occasion de rupture d'avec le totalitarisme religieux.


Propos Explosifs?


J'espère que le pape et les pélerins qui commencent à affluer regardent Israël autour d'eux, et non la "Terre sainte" des images pieuses. Qu'ils voient la coexistence amicale, paisible et active des Juifs et des Arabes dans ce pays, telle que je la vis au jour le jour. Je leur dit: Voyez la tolérance religieuse totale qui règne ici comme jamais elle a régné, dans les églises, les mosquées et les synagogues de Jérusalem!


Donc je dis au Pape : Bienvenue en Terre d'Israël, terre de tolérance mutuelle, et non " bienvenue en Terre Sainte", si c'est la terre des croisades; ne venez pas non plus en "Terre de Palestine" si c'est terre du Jihad. Pour nous la  terre n'est pas sainte par elle-même, ne vaut pas le sacrifice d'une vie; bien au contraire, c'est ici à Jérusalem qu'Abraham a mis fin au sacrifice humain. La terre promise est tout au plus "Eretz ha-kodesh", "Terre de sainteté", celle que l'homme lui confère par le culte qu'il y rend à Dieu.


Je lui dis encore: Rompez avec le totalitarisme religieux, lequel vous partagez avec l'Islam! Il faut en finir avec le "hors de l'église point de salut".


Annulez donc votre autorisation de cette prière en latin du Vendredi Saint qui appelle les Juifs à reconnaître Jésus! Vous ne pouvez pas dire qu'il y a eu erreur, comme dans l'annulation de l'excommunication du prêtre négationiste, le pape doit connaître son missel! Entre l'unité avec les intégristes et la paix avec les Juifs, il faut choisir! Car que signifie "reconnaître Jésus" si ce n'est se convertir au christianisme? Jésus, selon les évangiles, ne demande rien d'autre à ses frères que ce que demande tout rabbin: soyez de bons juifs, faites la volonté de notre Père, accueillez son Royaume, qu'il vienne tout de suite.


benedictxvi_haltEt j'ajouterais: Vous qui êtes allemand et avez été jadis membre des Jeunesses Hitlériennes, vous devez être celui qui prend le plus de distances avec le poison du négationisme.


Benoît XVI à Auschwitz - 28 mai 2006.


L'Eglise de Vatican II était dans la bonne voie, ne remettez pas cela en cause! Elle reconnaît que l'Alliance de Dieu avec son premier-né Israël n'est pas révoquée; Il pardonne à son peuple, ne remet pas en cause ses promesses, y compris celle de la Terre. Il ne remplace pas la première Alliance par une nouvelle, mais élargit celle-ci pour y faire entrer tous les peuples païens. Si l'Eglise montre l'exemple en reconnaissant l'Election d'Israël, alors l'Islam pourra suivre aussi et la paix deviendra possible.


Renoncez à la béatification de Pie XII! Certes il a probablement sauvé beaucoup de Juifs, comme s'était son devoir, mais n'en a pas fait sa priorité, laquelle était la défense de l'Eglise dans la lutte contre le communisme. Son refus de condamner publiquement et explicitement l'extermination des Juifs durant la Shoa, le maintien des relations diplomatiques entre le Vatican et l'Etat nazi pour ménager l'épiscopat allemand, ne peuvent en faire un saint. S'il avait dit les mots qu'il faut, peut-être moins de catholiques allemands ou polonais auraient interprété ce qu'ils voyaient comme la punition divine du déicide, ou du "ne pas avoir reconnu Jésus".


La canonisation de Pie XII serait avant tout une façon de dire que l'Eglise a été parfaite pendant la Shoa. Mais face au "Golgotha du monde moderne" - selon les termes du pape Jean-Paul II - Pie XII n'a pas pris de risque en prenant parti au grand jour pour le camp de la victime comme il aurait pu le faire. Par contre les enjeux théologiques pour le christianisme sont clairs:


- Si le peuple de Dieu a été crucifié à Auschwitz, l'arbre de la croix ne cache-t-il pas la forêt des martyrs juifs?


- Que signifie la Passion si tant de Juifs ont beaucoup plus souffert que le Nazaréen?


- Si la Shoa est une Passion moderne, qui est l'Eglise? Rome la chrétienne n'est-elle pas restée malgré tout dans la continuité de la Rome impériale, persécutrice à la fois du Christ et de son peuple?


Palestine_crucifieePalestine crucifiée - revue palestinienne Intifada du 14 décembre 2000


Je rencontre parfois des catholiques qui viennent en visite ici. Ils viennent pour beaucoup soutenir les Palestiniens et sont souvent hostiles envers les Juifs. Pourquoi? Parce qu'à leurs yeux aveuglés par les médias et les apparences extérieures, les Palestiniens sont les victimes sans défense et Israël le puissant agresseur. Le Hamas et l'OLP manipulent habilement le sens chrétien de la miséricorde et de la compassion charitable. Et puis, si les Juifs sont les bourreaux et les Palestiniens le "Peuple souffrant" crucifié, plus de problème théologique!


J'ai vu Jérusalem en 2000-2003 devenir Bagdad. Sans ce mur qui sépare la ville des territoires palestiniens nous réciterions encore en ce moment la litanie des noms des victimes d'attentats tombés chaque jour. Les Palestiniens n'ont pas la vie facile, mais personne ne les menace d'extermination. Ce n'est pas le cas des Israéliens que l'Iran et ses prolongements - Hamas et Hezbollah - veulent et essaient d'éliminer. Les Palestiniens du Hamas restent de ce point de vue fidèles au fondateur de leur nationalisme: Amin Al-Husseini a directement collaboré avec Hitler pour qui il a organisé la Waffen SS musulmane, il était le conseiller de Himmler et de Eichmann pour la Solution Finale. Il a obtenu d'Hitler qu'il déclare illégal le foyer juif en Palestine, empêchant ainsi Hitler de déporter les Juifs au lieu de les massacrer. Les Etats arabes ont eu une responsabilité directe comparable dans la Shoa - contrairement à ce qu'en dit le président iranien - en poussant les Anglais à fermer les portes de la Palestine devant les rescapés de l'Holocauste, avec la publication du fameux "Livre blanc".


En acceptant le Plan de partage de 1947, en reconnaissant l'OLP et en signant les accords d'Oslo, le mouvement sioniste naissant et l'Etat d'Israël mature ont montré qu'ils acceptaient le partage de cette terre. Les sondages récents montrent que la majorité des Israéliens restent favorables à une solution à deux Etats, dans la mesure où elle ne les met pas en danger. Chrétiens, ne vous trompez pas de camp!


800px_Jerusalem_Dome_of_the_rock_BW_10Car sur cette terre doit être réparé le premier crime, celui du fraticide commis par Caïn. C'est là, je le crois fermement, le sens du conflit provoqué par le retour du peuple juif. Il y a ici place pour deux peuples et deux Etats.


Je dis aux chrétiens et aux musulmans: l'élection d'un frère ne nie pas celle de l'autre frère et son rôle complémentaire à découvrir. Notre discours sur D. n'est pas la vérité, il ne reflète que ce que l'humain peut en saisir par son esprit et ses traditions imparfaits. D. est la vérité - sa parole est création - et personne ne peut la saisir ni se l'approprier. Dans cette conception originellement juive se trouve la racine de la vraie tolérance. Méditez-la.

20 mai 2008

Guerres inutiles / Guerres utiles

Le film de l'Israélien Ari Folman - Valse avec Bachir (Waltz With Bashir) - reçoit des critiques élogieuses et est pressentit pour les Palmes d'Or à Cannes. Je n'ai vu que la bande annonce, les premières images et quelques critiques, mais ce film d'un genre nouveau, un des premiers long-métrages documentaires d’animation de l'histoire du cinéma, m'a tout de suite enthousiasmé.


DanceBashirOutre la valeur purement artistique de ce drame psychologique, l'apport essentiel du film tient dans sa démystification de la guerre. Dans la foulée de "Beaufort", il met en scène la guerre dans sa banale et absurde cruauté; des soldats y sont jetés sans raison valable, antihéros qui subissent les évènements sans les comprendre. Un film à l'opposé de toute l'esthétisation hollywoodienne de la guerre.


Je me réjouis du succès de ce film qui reste dans le droit fil de l'éthique juive: tel Jacob qui selon le Midrach prie - avant le combat contre son frère Esau qui approche, entouré d'hommes en armes - "Que je n'aie pas à tuer et que je ne sois pas tué" et fait tout pour apaiser son frère; ou comme la coutume de ne pas chanter le psaume du Hallel en entier au Seder de Pâques parce qu'il ne faut pas se réjouir de la mort des Égyptiens, dans l'esprit de Proverbes 24:17: « Lorsque ton ennemi tombe, ne te réjouis pas ; s’il succombe, que ton cœur ne jubile pas ».


Puis je surfe encore pour voir ce que l'auteur lui-même dit de son film. 


Elizabeth Tchoungui a interviewé Ari Folman sur France_24. Il explique que son but était d'abord de traiter son stress post-traumatique dû à la première guerre du Liban, en 1982, puis l'espoir de faire passer leur engouement pour la guerre à au moins quelques jeunes. "Les guerres, la guerre, n'importe où, sont inutiles... rien de bon ne peut en sortir" conclue-t-il.


Je suis déçu. C'est exactement la douce musique que les oreilles européennes veulent entendre. Ah, c'est tellement tentant de plaire encore plus aux admirateurs et de les caresser dans le sens du poil, pour être ensuite ovationné sur les tapis rouges de Cannes.
Autrement dit ce n'était pas la peine de faire la guerre à Hitler, il fallait laisser les Serbes continuer à massacrer en paix, il aurait fallu laisser le Koweït à Saddam, à quoi bon Israël se défend-elle contre le Hezbollah ou le Hamas...



Que Folman exploite ainsi son traumatisme de la guerre du Liban est d'autant plus dommage que celle-ciwaltzwithbashir précisément a été sanctionnée de façon différentielle sur sa légitimité: Sharon, alors ministre de la Défense, avait mandat du gouvernement pour repousser l'OLP à 40 km à l'intérieur du Liban. Toute la population du Nord d'Israël était bombardée depuis cette zone.  Jusque-là il s'agissait d'une guerre de légitime-défense parfaitement justifiée, et légitimée par un gouvernement démocratique lui-aussi parfaitement légitime.


Ensuite, ce n'est plus le cas: Sharon - désobéissant délibérément aux décisions du gouvernement de Menahem Begin - lança de son propre chef tanks et avions sur Beyrouth pour en déloger Arafat.  Bachir Gemayel  assassiné par un agent syrien, Sharon entre dans Beyrouth-Ouest. Le film se termine là: les Forces Libanaises - alliés d'Israël alors - se vengent de la mort de leur nouveau président et en profitent pour "nettoyer" à leur façon le camp palestinien de Sabra et Shatila.


La commission Kahan qui enquêtera en 1983 a montré que les Forces libanaises sont les seules directement responsables du massacre. Elle retiendra une responsabilité indirecte, morale, non juridique, pour Menahem Begin et exigea le limogeage d'Ariel Sharon, en ce qu'il n’a "pris aucune mesure pour surveiller et empêcher les massacres".
L'armée israélienne aurait-elle dû se douter de ce que les phalangistes chrétiens, entraînés par elle, risquaient de lui désobéir et de s'en prendre aux civils et non uniquement aux terroristes de l'OLP? Des soldats israéliens ont-ils été témoins impassibles des massacres et des viols, ou étaient-ils trop loin pour distinguer des civils de terroristes ou pour voir quoique ce soit? (voir
l'article de l'Arche
) Et quid de la responsabilité de l'OLP qui avait truffé le sous-sol des quartiers de Sabra et Shatila de galeries bourrées d'armes et qui n'avait pas retiré tous ses combattants? Et celle des forces internationales franco-italo-américaines, qui étaient garantes de la sécurité des populations civiles et se retirent plus tôt que prévu? Ou pire, le refus de l'armée libanaise elle-même d'intervenir?


Si le film se contentait de critiquer cette partie de la guerre, je comprendrais, quoique cela ne serait pas bien intéressant: les 400,000 israéliens qui sont alors descendus dans la rue, le gouvernement qui a nommé la commission d'enquête qui a renvoyé Sharon à ses moutons pour de longues années, Begin qui a démissionné et finit sa vie reclus dans son appartement, n'ont pas de leçon à recevoir d'un cinéaste à l'âme particulièrement sensible.
Quant à se lancer dans de grande tirades sur la vanité des guerres quand on vit dans un pays qui serait dévoré par ses voisins au moindre signe de faiblesse...



Faire la distinction entre ces deux guerres au sein de la guerre du Liban, c'est cela qui était important et qui est gâché par l'état d'esprit de cette Valse avec Bachir.



Folman donne une autre interview en hébreu sur YNET qui est un peu différente: à la fin de ses périodes de réserve il y a cinq ans, il suit une psychothérapie dans le cadre d'un essai thérapeutique. C'est alors qu'il comprend  qu'il doit faire ce film. Le but: "Entre-temps ma femme et moi avons amené trois enfants dans ce monde [...] quand ils grandiront et verrons le film, peut-être qu'il les aidera à prendre les bonnes décisions, c'est à dire ne participer à aucune guerre".
Est-ce à dire que Folman appelle à la désertion? Ou tout simplement à quitter le pays et aller se planquer en laissant dans le pire des cas les goyim s'entre-tuer dans leurs guerres stupides?



Mais peut-être suis-je trop dur avec Folman, moi qui n'ai fait aucune guerre? Après tout on peut penser qu'aucun État ne vaut la peine de sacrifier ses enfants pour lui. Peut-être suis-je influencé par tous ces commentaires de talkbackistes israéliens de droite qui vitupèrent contre "ces gauchos d'artistes dévorés par leur haine d'eux-mêmes, quand ils ne font pas qu'exploiter l'antisémitisme des milieux intellectuels de gauche tiers-mondistes pour se faire une carrière en Europe sur le compte d'Israël qui en plus finance leurs travaux..."


Car son traumatisme est réel; ce sentiment de culpabilité qui a gommé cette époque de sa mémoire mérite d'être respecté. C'est une courageuse tentative de thérapie par un film d'animation / réanimation (j'ai emprunté ce jeu de mot) du souvenir qui nous offre ce film et les magnifiques illustrations de David Polonsky.


Cette culpabilité - ne serait-ce que d'être associé de loin à une boucherie - mérite qu'on y réfléchisse.
Mais pourquoi cette culpabilité chez un soldat qui personnellement n'a commis aucun massacre?



Le Monde commente: "Valse avec Bachir est un film sur la peur et sur la culpabilité qui ose montrer ces soldats israéliens comme victimes [...] ils n'ont pas participé aux massacres mais ne sont-ils pas suspects d'avoir endossé le rôle des nazis durant la seconde guerre mondiale, se demande Folman. Leur chaos psychologique met en effet en regard Sabra et Shatila et le ghetto de Varsovie."



Voilà, nous retrouvons le nazisme "en regard" d'Israël. Dans un message précédent j'ai montré un exemple de documentaire télévisé patriotique qui voit dans la puissance militaire israélienne la réponse à Hitler. Si le patriote israélien se veut aussi fort qu'Hitler, le pacifiste qui dénonce le patriotisme se doit de dire "nous ressemblons aux nazis".
Dans les deux cas la réaction est délirante. Hitler et le nazisme ne sont plus là. Israël - justement - a plutôt bien réussi jusqu'à aujourd'hui à relever le défi d'avoir à recourir fréquemment à la force militaire sans trahir ses valeurs éthiques juives et démocratiques. Pourtant ses ennemis font systématiquement tout pour que le soldat israélien soit dans la position de  l'Occupant qui opprime des civils.


Tant qu'une solution politique ne sera pas adoptée par les camps en présence, Hamas, Hezbollah et Iran y compris, ou tant que le Messie ne sera pas arrivé, il faudra se salir parfois les mains dans des guerres défensives et justifiées, des GUERRES UTILES. Car tant que le monde restera soumis au règne des Etat-Nations, les Juifs auront besoin du leur pour essayer d'exister en tant que peuple, avec toutes les contradictions que cela implique. Mais c'est une question trop vaste pour en traiter ici.



Folman définit son film comme parfaitement apolitique. Dire que toutes les guerres sont inutiles, ce n’est pas politique? La désinformation médiatique dont nous sommes coutumiers a fait porter sur Israël toute la responsabilité du massacre de Sabra et Shatila (voir sur Le Monde Diplomatique). Déjà le Guardian (Folman's confession thrills Cannes) voit dans ce film le mea culpa d'un soldat israélien. Est-il permis, dans ce contexte, de s'offrir de telles compassions nombrilistes et apolitiques?


Aucun responsable libanais des nombreux massacres (Damour, Chekkra, Mont-Liban, Karantina, Tel Al-Zaatar...) qui ont émaillé la guerre civile n’ont été inquiétés. Tous ont été automatiquement amnistiés. Tant pis pour les familles des victimes. Le Liban soubresaute en ce moment. Ses charniers ne sont-ils pas encore digérés? Le commandant des Phalanges Chrétiennes qui a dirigé le massacre de Sabra et Shatila, Elie Hobeika, est même devenu ministre après la guerre, en 1990, dans un gouvernement dirigé par un certain… Rafic Hariri. Ministre de quoi? Ministre en Charge des Réfugiés. Mais quel humour, ces Libanais!

13 mai 2008

Indépendants, vraiment?

Je n'ai pas voulu nous gâcher la joie des festivités de la Fête de l'Indépendance avec des commentaires critiques. Quelques jours ont passé. Nos beaux drapeaux bleu-blanc "made in China" généreusement offerts par "Bank Hapoalim" flottent encore aux fenêtres des maisons et voitures; nous avons joyeusement tapé sur la tête de nos concitoyens avec les fameux marteaux en plastic; nous nous sommes goinfrés de bonnes israel60brochettes cuites sur le fameux mangal, notre barbecue national; nous nous sommes tordu le cou à admirer les acrobaties aériennes de  nos valeureux pilotes et avons presque oublié notre honte d'avoir tant de dirigeants en procès ou en prison pour corruption...
C'est vrai, c'est vrai, nous faisons une overdose d'autocritique et d'examens de conscience perpétuels. Mais tout de même je ne peux m'empêcher de poser la question: Sommes-nous vraiment indépendants?




Bien sûr, aujourd'hui aucun Etat n'est vraiment indépendant. La mondialisation et la domination économico-politico-militaire des grandes puissances et des cartels limitent cruellement la souveraineté des petits Etats comme Israël. Ce n'est pas de l'Etat qu'il s'agit.
Ma question est: le nationalisme israélien est-il une expression positive de l'autodétermination du Peuple Juif, ou seulement une réaction de défense contre ses ennemis? Puise-t-il dans son "âme nationale" ses propres fins, ou se contente-t-il de perpétuer un sionisme de réaction ou d’imitation?

C'est l'ambiance morose du Soixantenaire, les discours officiels qui sentent le réchauffé, le ronron médiatique, le cynisme désabusé de la jeunesse israélienne et mon propre manque d'enthousiasme qui me poussent à poser la question maintenant.

Un documentaire en particulier m'a frappé. Il s'appelle "Totseret Jyd" ou: "De fabrication juive", en reprenant le terme méprisant pour "juif" en Polonais. Je le trouve très significatif, et en même temps il raconte une extraordinaire histoire vraie qui mérite d'être rapportée. Il est passé sur la deuxième chaîne de la télévision israélienne à la veille du "Jour de la Shoa missileet de l'Héroïsme", soit une semaine avant le Jour de l'Indépendance. Il porte sur un gros contrat de vente d'armes et transfert technologique  signé en 2003 entre Israël et la Pologne.
La compagnie israélienne Rafael Armements a developpé un missile anti-tank sophistiqué, qui est produit sous sa licence dans les ateliers de l'usine polonaise Mesco.


Le missile de "Rafael" *
Il se trouve que l’ingénieur israélien chargé de la direction du projet - lui-même né en Pologne - est fils de rescapés. Lorsqu'il raconte à ses parents ce qu'il fait, ceux-ci, qui n'avaient jamais beaucoup parlé de la période de la guerre, lui demandent où se trouve l'usine polonaise.  Lorsqu'il leur dit "près de Skarzysko-Kamienna", ils sont sous le choc.  C'est le camp de travail forcé où ils étaient prisonniers! Ils commencent alors à lui expliquer.


Les nazis avaient réquisitionné l'usine polonaise pour le consortium allemand HASAG (Hugo Schneider Aktiengesellschaft) qui avait fait de la production de munitions un enfer pour des milliers de prisonniers juifs.
L'aile "C" des usines était particulièrement redoutée: on y fabriquait des mines sous-marines utilisant un explosif à base d'acide picrique très toxique. Les ouvriers-esclaves devenaient jaunes, leurs organes intérieurs étaient dévorés par la "picrine" et ne survivaient pas plus de trois mois. Un train amenait continuellement des "chargements" de main d'oeuvre fraîche directement à l'intérieur du camp. Ironie du sort? C'est là que les Polonais installent les lignes de production de Rafael!

Le directeur de l'usine, le Dr. Arthur Rost, n'aimait pas gaspiller les munitions. Les prisonniers à exécuter  étaient chargés en camion et emmenés sur un champ de tir pour servir de cible dans le test des munitions.


Un extrait en hébreu


Le journaliste Hayim Hecht, auteur du film, interviewe une survivante:
- ils savaient où on les emmenait?
- bien sûr qu'ils savaient ce qui allait leur arriver!
Et de citer la formule allemande alors bien connue apparemment:
- vernichtung durch arbeit (anéantissement par le travail).


Hecht affiche un sourire triomphant avec la fierté du vendeur à l'étalage qui vente son produit :
- mais cette fois, les Juifs ne sont plus les cibles vivantes, ils sont les invités d’honneur!
L'image glisse en fondu du charnier nazi au spécialiste israélien qui ajuste le tir "du meilleur missile anti-tank au monde". La "production jid" est appréciée maintenant!




Ce documentaire me met maintenant franchement mal à l'aise. Il alterne lourdement les images: champ de tir d'alors, champ de tir aujourd'hui, qui dominait alors, qui domine aujourd'hui... Il ne faudrait pas grand chose pour en faire un film de propagande antisémite qui montre comment les Juifs, pleins d'un esprit vengeur, deviennent parmis les plus gros marchands de canons du monde... S'il est légitime et sain de se réjouir de ce que nous ayons enfin les moyens de nous défendre, cette joie s'exprime trop souvent ici comme un grossier retournement, lequel participe de la même adoration de la force que celle des bourreaux, et du même mépris envers la faiblesse des victimes. Pour preuve la façon lamentable dont les survivants des camps sont traités en Israël.




"Plus jamais ça" - proclament les discours de commémoration de la Shoa. Grâce à sa puissance militaire et sa supériorité technologique Israël ne laissera plus les Juifs être des victimes sans défense.  C'est sa principale raison d'être si on écoute le patriotisme bleu-blanc primaire qui continue à sévir... et Ahmedinejad qui a bien compris que c'est le point faible de la cuirasse israélienne.
Le jour même de l'émission plus de dix missiles "Kassam" tombaient sur la ville de Sderot. Le même Ahmedinejad continue à menacer le pays d'un nouveau vernichtung... en langue perse!
Pas très convainquant comme raison d'être.


Inversion du rapport de force. Mimétisme de conflit. Revanche sur le passé. Ce n'est pas ça l'indépendance. Bien au contraire, le désir sans cesse exprimé de "normalisation" par toute une élite intellectuelle et politique du pays, qui veut désespérément voir les Juifs devenir enfin un peuple "normal, comme les autres", témoigne de la colonisation intérieure des esprits.



Soixante ans après, le rassemblement des exilés, la démocratie, l'économie prospère, l'armée puissante et les avancées scientifico-techniques d'Israël signent indéniablement la réussite du mouvement sioniste. Mais s'il ne veut pas s'épuiser comme une autre révolution réussie qui a fait son temps - le kibboutz - le sionisme va devoir puiser aux sources dormantes mais vives, fraîches et profondes des prophètes d'Israël.


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Jérusalem est duelle. L'unité est au-delà, à construire ensemble

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