4 avril 2010

Et Steve descendit de la montagne

Steve Jobs vient de révéler la tablette iPad, tel un nouveau Moïse apportant les Tables de la Loi au peuple.
Selon le Los Angeles Times c'est la table la plus attendue depuis la révélation au Sinaï!
Pourquoi ce qui n'est apparemment qu'un ordinateur de plus, soulève-t-il de telles passions et un tel lyrisme?

Cette métaphore Jobs/Moïse, iPad/Tables revient dans une bonne part de la presse américaine.
Personnellement, plutôt que les tables portant le texte gravé et immuable du décalogue, j'aurais choisi comme objet métaphorique le Pectoral du Jugement porté par Aaron, avec ses douze pierres précieuses (Ex. 28). Elles fonctionnaient comme un oracle divin pour donner la réponse aux questions posées par le grand-prêtre. 
Selon un midrash, les pierres précieuses s'illuminaient ou s'éteignaient d'elles mêmes comme douze icônes lumineuses, pour indiquer l'innocence ou la culpabilité. Voilà une idée d'application à développer, elle pourrait aider à désengorger nos tribunaux paralysés!
Et pas de doute, ce pectoral devait beaucoup ressembler à un iPad!






Descendant du sommet de la montagne  high tech, vers la Silicon Valley illuminée, sous le tonnerre des applaudissement et les éclairs des flashs, le prophète Jobs brandit au-dessus de la tête de ses fidèles la fascinante et hypnotisante table écrite du doigt du dieu numérique, en pur langage digital...

D'où vient un tel engouement?





Jobs a créé puis relancé la religion Apple. Il peut compter sur des foules d'inconditionnels de la firme à la pomme croquée, l'Eve tentatrice qui offre à tous les fils d'Adam le Fruit de la Connaissance.
Vous serez comme des dieux! Vous tiendrez l'éternité entre vos mains! proclame le iProphète.

Dès les débuts d'Apple, Steve Jobs avait compris l'importance d'une interface graphique intuitive et esthétique pour l'utilisateur non informaticien.
J'ai utilisé un des premiers Macintosh, et je me souviens de ma découverte du bureau virtuel avec une certaine nostalgie... La corbeille à papier, qui grossissait lorsqu'on y "jette" les documents et se vidait dans un bruit de papier froissé m'a tout de suite plu.
Windows a ensuite essayé de suivre, toujours avec un train de retard.
Depuis, toujours fidèle à la même logique, Apple à rendu virtuel une part croissante du hardware et des périphériques de l'ordinateur lui-même, jusqu'à ce qu'il se fasse simple écran: disparus touches, claviers et souris poussiéreux.
L'écran lui-même peut disparaître, remplacé par une caméra et un projecteur miniatures qui utilisent n'importe quelle surface. Puis, notre cortex lui-même formera l'ultime écran, nous immergeant parfaitement dans un monde digital devenu comme réel. Il ne restera plus qu'à nous downloader nous-même sous forme digitalisée pour vivre éternellement dans le cyberspace...

Selon sa biographie, depuis son enfance d'enfant adopté - comme Moïse - en passant par la méditation Zen, l'expérience du LSD, et jusqu'à la fondation de Pixar, Jobs a clairement une affinité avec les mondes virtuels et imaginaires.



L'iCône Jobs apporte le Livre des Livres, le livre qui contient tous les livres.
Ce miroir magique fait descendre les données cachées dans le cloud, la nuée de données et programmes qui désormais nous enveloppe en permanence et en tout lieu.
Le rêve de pouvoir accéder partout, à tout instant, à l'ensemble de toute la culture mondiale dans toutes ses langues et dans l'épaisseur de toute son histoire, le rêve d'une Révélation continue, semble à portée de main. L'esprit WIFI, G3, qui va bientôt porter sur ses ailes toutes les créations humaines digitalisées, ne demande qu'à être capté!
D'un clic j'achète musique, films, livres, et les consomme immédiatement, ou me fait livrer tout objet matériel.
Je ne suis jamais seul, communique partout et en permanence avec mes proches et amis dans le monde entier.

Il n'est pas nécessaire d'être un élu, un prophète ou un fils de prophète pour cela: tous peuvent saisir l'esprit informationnel sans la moindre formation.


Des millions de cerveaux humains, pris dans les mailles de l'hyper-réseau, prolongés par des prothèses intelligentes artificielles et agents robotiques, puisent avidement dans la masse des mémoires du cerveau global, celui de l'Homo super sapiens qui commence à émerger.
Un sentiment de toute puissance envahit l'utilisateur de l'écran magique. Pouvoir trouver sans effort réponse à question, objet qui comble son manque, est extrêmement jouissif.
Mais c'est là aussi que Jobs frappe: l'immédiateté de la jouissance est ce qui crée la dépendance, comme pour les drogues dures. Pour garantir cette immédiateté - qui est le secret de sa réussite - il n'hésite pas à sacrifier diverses fonctionnalités, comme le multitâche, les fenêtres multiples et Flash, pour préserver la vitesse d'accès maximale. Le client grogne, ce n'est pas grave, il est accro et en redemandera toujours.
Jobs joue de cette dépendance pour se faire dealer unique, sans concurrent. Il ferme son système aux autres fournisseurs de médias et ne laisse qu'un unique cordon ombilical relié au monde Apple des iTunes et Apple Store. Pas de port USB, pas d'accès aux fichiers de la mémoire. Il produit des foules de junkies et construit ainsi son Empire. Pas étonnant qu'il soit connu comme ego-maniaque selon son Wikipedia...

Steve Jobs est un anti-Moïse, qui au lieu d'affranchir, donner pouvoir et se retirer humblement en laissant un code de vie adulte, vend la jouissance régressive et provisoire d'un pouvoir dont il reste le maître absolu.


A lire, sur Kindle ou iPad, ou même sur papier!





Jérusalem est duelle. L'unité est au-delà, à construire ensemble

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